Ça n’a pas loupé. Oliver Stone sort un doc pas assez anti-Poutine, et comme un seul homme – ou une seule femme (LREM à l’Assemblée) – toute la bienpensantosphère lui tombe sur le dos. L’ordre semble être venu de Très-haut car le mouvement d’ensemble est d’une simultanéité confondante. L’Obs, Le Monde, franceinfo, bref, tout ce qui nous désinforme, toutes les filiales du Média Unique accusent Stone d’« obséquiosité » vis-à-vis du « maître du Kremlin ». Est-ce que l’on parle de Macron comme du « maître de l’Élysée » ? Non, les branches du Média Unique lui tressent au contraire de dérangeants lauriers. C’est notre (petit) Poutine à nous.
On a déjà parlé sur E&R de la réaction épidermique de CBS à l’encontre du documentaire et de Stone qui était mitraillé non pas de questions, mais d’accusations. Que les amerloques, qui sont anticommunistes de formation, en veuillent à Stone qui ne fait pas dans l’antipoutinisme primaire, pourquoi pas. Mais en France, amie historique de la Russie, c’est une faute majeure. Citons Le Monde au milieu du concert des pleureuses antinationales :
« Vladimir Poutine récite les fondamentaux de la politique russe. Sa pensée est connue, le président russe n’est pas avare de mots. Cette pensée, en revanche, mérite d’être questionnée. Et les inexactitudes sur lesquelles elle s’appuie, démontées. Or, c’est là que le bât blesse, dans les « relances » du cinéaste. »
Le Monde qui donne des leçons de « relance », le journal qui a menti sur les gazages d’Assad, qui a été aussi va-t-en-guerre en 2013 contre la Syrie que le New York Times en 2003 pendant l’aventure irakienne du crétin Bush, ce journal complètement à la botte de l’oligarchie donne des leçons de déontologie journalistique ! Dire qu’on est obligés de lire ce torchon impérialiste atlanto-sioniste pour garder le contact avec la ligne du Système…
De la même façon, franceinfo décortique la méthode de travail du réalisateur américain, pensant y trouver la preuve d’un pacte oliverstono-soviétique, et ainsi démontrer le délit d’initié (son fils Sean travaille à Russia Today), la propagande, le danger pour la jeunesse…
Voici la dernière phrase de l’article du Monde : « En Russie, le film d’Oliver Stone a fait l’objet d’une couverture médiatique massive ». Et celle de franceinfo : « Avec ces “Conversations avec Monsieur Poutine”, plus que le pouvoir russe, Oliver Stone semble vouloir remettre en cause l’impérialisme américain, un thème récurrent de sa filmographie ».
Pour la très brillante Sonia Devillers de France Inter, « Oliver Stone cherche à dédiaboliser Poutine ». Ça vole de plus en plus haut. Quant à L’Obs, qu’on a connu plus tempéré, il titre sobrement « Le scandaleux documentaire d’Oliver Stone sur Vladimir Poutine » sous la plume de Vincent Jauvert.
« Non, son objectif, son idée fixe, est de dénoncer, une fois encore, les multiples complots, quelques fois réels mais le plus souvent imaginaires, ourdis, selon lui, depuis toujours par l’unique empire du Mal : l’Amérique.
Évidemment Poutine a accepté cette série d’entretiens-fleuve parce qu’il connaissait cette obsession intime d’Oliver Stone. Il a compris tout le parti qu’il pouvait tirer de l’admiration béate de cette star d’Hollywood qui connaît très mal son sujet au point de confondre Caucase et Asie Centrale ! Face à cet interlocuteur si peu professionnel et dont la hargne anti-américaine le surprend parfois, le président russe gratifie les téléspectateurs d’un festival complotiste qui met en joie son "interviewer". »
Le scandaleux documentaire d'Oliver Stone sur Vladimir Poutine https://t.co/oQCWVxaApC pic.twitter.com/H99Pt1bdYO
— L'Obs (@lobs) 26 juin 2017
Sacré Jauvert, qui sert la soupe de la « bonne » oligarchie et qui donne des leçons de lucidité à Oliver Stone… Il ose tout, le bougre ! Le voilà mûr pour entrer au Monde.
La touche finale est grandiose : les quatre épisodes seront diffusés en deux soirées sur France 3 avec – accrochez-vous au bastingage – un débat mené par l’atlanto-sioniste Bernard Guetta dont les chroniques sur France Inter pourraient être écrites par un département conjoint de la CIA et du Mossad, Hubert Védrine, qui a quelques soucis extra-politiques, et Sylvie Kauffmann, l’atlanto-sioniste déguisée en directrice éditoriale du Monde. Oui, ça fait beaucoup d’atlanto-sionistes, on appelle ça une répétition et c’est pas très beau, mais ça n’est pas de notre fait.
Pourquoi ne pas avoir invité Alexandre Latsa ? Pourquoi ne pas avoir composé un plateau équilibré, avec des antirusses et des pro-russes sinon des personnes bien informées sur la Russie ? France 3 montre là un sens de la pluralité des opinions qui fait honneur au service public... Heureusement, cette chaîne pour les nuls en géopolitique est en train d’être désossée par le nouveau pouvoir. Parce qu’elle coûte trop cher pour ce qu’elle rapporte. Disons que la propagande y est tellement nulle qu’elle en devient inefficace.
Et en radio publique, ce n’est pas mieux. Voici l’article de L’Instant M de Sonia Devillers sur France Inter :
« Oui, il est rare d’entendre Poutine s’exprimer aussi longuement et aussi librement. Mais pour le laisser dire quoi ? À ses yeux, la Russie peut être fière de Poutine. Et Oliver Stone dénonce la paranoïa dont l’Amérique ferait preuve à l’égard du Kremlin. Pour le cinéaste américain, les États-Unis sont une démocratie malade, paranoïaque, qui encercle et menace son éternel ennemi. La Russie aurait donc toutes les raisons de se sentir menacée. »
- La carte qui a dû échapper à la vigilance de Sonia Devillers
Si on a posé la très obéissante Sonia à ce poste stratégique, on comprend désormais pourquoi. Seul un esprit limité est capable de voir l’horrible poutinophilie d’Oliver Stone tout en ignorant l’américano-sionisme sympathique de Bernard Guetta, pourtant situé à trois minutes de son studio. Ça rappelle les légions d’ignares politiques qui ont pris d’assaut l’Assemblée nationale le lendemain de la razzia LREM du 18 juin 2017. La pensée fractionnée permet de maintenir le public en ignorance. Et il y en a dont la fonction, fort bien rémunérée, est de fractionner la pensée.
Tout ce dispositif de contrôle médiatique – la démolition du documentaire avant diffusion et le « débat » à charge après diffusion – exprime clairement une chose : les escrocs qui nous gouvernent veulent absolument éviter que les Français pensent par eux-mêmes. Et si Oliver Stone préfère Poutine aux faucons néoconservateurs US qui veulent nucléariser tout ce qui résiste à leur vision pathologique du monde, c’est son droit ! Que les propagandistes des médias nous laissent penser, prennent leur argent mal gagné et aillent le dépenser en biens culturels américains.